Censure du pastillage dans un Espace Paysager Remarquable : nouveau contentieux contre l’inaction municipale
- Marc Pitti-Ferrandi
- 23 déc. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 sept.

Le tribunal administratif de Versailles, par un jugement du 28 juin 2024 (n°2201787), a annulé le classement de la parcelle A760 à Courgent en zone constructible, censurant notamment la pratique du pastillage au sein d’un espace paysager remarquable (EPR).Cette décision de principe rappelle que le pastillage, consistant à exclure artificiellement un « carré constructible » au sein d’un périmètre protégé, constitue une erreur manifeste d’appréciation.
Le jugement du 28 juin 2024 : une triple censure du PLU
Le tribunal a jugé illégal le classement du terrain litigieux :
en zone UR3 « résidentiel paysager », alors qu’il s’agit d’un terrain boisé inséré dans un secteur naturel sensible ;
en site urbain constitué (SUC), la densité bâtie n’étant pas suffisante pour caractériser une continuité urbaine ;
en espace paysager remarquable « pastillé », le juge considérant que l’exclusion d’un rectangle constructible dépourvu de justification était entachée d’illégalité.
Le tribunal a rappelé que ces choix de zonage constituaient des erreurs manifestes d’appréciation et a enjoint au maire de convoquer le conseil municipal pour mettre le plan local d’urbanisme (PLU) en conformité dans un délai de six mois.
Aucun appel n’ayant été formé, ce jugement est devenu définitif et bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
L’obligation d’abroger un règlement illégal
En droit, l’article L.153-7 du code de l’urbanisme impose à l’autorité compétente d’élaborer sans délai de nouvelles dispositions en cas d’annulation partielle d’un PLU. De même, l’article L.243-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) prévoit l’obligation d’abroger un règlement illégal.
La jurisprudence du Conseil d’État est constante : après une annulation juridictionnelle, le conseil municipal est tenu de réviser le PLU pour assurer sa conformité (CE, 16 juillet 2021, n°437562).
En refusant de procéder à cette modification, la commune de Courgent méconnaît à la fois l’autorité de la chose jugée et ses obligations légales.
Le refus du 18 octobre 2024 : un nouveau contentieux nécessaire
Malgré le caractère définitif du jugement du 28 juin 2024, le conseil municipal de Courgent a, par une délibération du 18 octobre 2024, refusé d’engager la procédure de modification du PLU. Cette délibération lacunaire a été adoptée sans que les conseillers municipaux aient reçu une information suffisante sur la portée du jugement et ses motifs, en méconnaissance de l’article L.2121-13 du CGCT (droit à l’information des élus).
Un recours a donc été introduit le 18 décembre 2024 pour obtenir l’annulation de cette délibération, assortie d’une demande d’injonction visant à contraindre le conseil municipal à :
classer la parcelle intégralement en zone N (naturelle),
supprimer son classement en SUC,
l’inclure intégralement en espace paysager remarquable sans pastillage.
Un enjeu juridique et environnemental
Cette affaire illustre la persistance de pratiques contestables dans certains PLU, où la protection affichée des espaces naturels et paysagers est contournée par des pastillages constructibles. Le tribunal administratif de Versailles a rappelé que ces artifices sont contraires à l’esprit et à la lettre du code de l’urbanisme.
Le contentieux en cours met en lumière une autre difficulté : le refus d’exécution des jugements administratifs par certaines communes, obligeant les associations et riverains à saisir de nouveau la juridiction pour faire respecter le droit.
Conclusion : une vigilance indispensable
La décision du 28 juin 2024 constitue une victoire nette contre la pratique du pastillage et un signal fort pour la protection des espaces paysagers remarquables. Cependant, l’obstruction du conseil municipal de Courgent démontre que la vigilance citoyenne et associative reste nécessaire, y compris après une victoire juridictionnelle.
Le jugement à venir sur le recours du 18 décembre 2024 devrait permettre de rappeler, une nouvelle fois, que l’exécution des décisions de justice n’est pas facultative, mais une exigence fondamentale de l’État de droit.
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