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Annulation définitive d’une autorisation de défrichement pour fractionnement d’un projet visant à le soustraire à l’obligation d’étude d’impact (TA Versailles, 21 janvier 2025, n°2104489)

  • Photo du rédacteur: Marc Pitti-Ferrandi
    Marc Pitti-Ferrandi
  • 24 mars
  • 4 min de lecture
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Le Tribunal administratif de Versailles a rendu, le 21 janvier 2025, une décision importante pour la protection des espaces naturels en rejetant la tierce-opposition de la Commune de Galluis. Ce jugement confirme définitivement l’annulation de l’autorisation de défrichement délivrée en 2019 pour un projet immobilier controversé.


Saisi par quatre associations de protection de l’environnement (Sauvons les Yvelines (SLY), JADE, France Nature Environnement Yvelines – FNE 78 et AGATE), représentées par le cabinet TerraNostra Avocats, le tribunal rappelle une règle fondamentale : on ne peut pas fractionner artificiellement un projet pour contourner l’obligation de réaliser une étude d’impact environnemental.

 

Une manœuvre illégale : fractionner pour éviter l’étude d’impact


À Galluis (Yvelines), la Commune avait décidé de céder une partie de ses bois pour permettre la construction de divers projets immobiliers, dont notamment des entrepôts et bureaux, ainsi qu’un supermarché Lidl.


Le Préfet de Région, consulté en qualité d’Autorité environnementale sur le projet de supermarché, avait exigé qu’une étude d’impact soit réalisée en considération des incidences notables sur l’environnement de ce seul projet.


Non seulement cette étude d’impact n’a jamais été réalisée, mais le défrichement a au surplus était réalisée sans la moindre autorisation de défrichement.


En outre, sur les terrains voisins du supermarché qui appartenaient à la Commune, cette dernière a procédé à un découpage artificiel en plusieurs lots de superficie inférieure au seuil réglementaire de 0,5 hectare de consultation de l’autorité environnementale, afin de contourner l’obligation d’étude d’impact.  


Nous avions alors obtenu la suspension en urgence du permis de construire délivré pour le supermarché, ainsi que du permis de construire délivré pour les bureaux voisins par le biais de la procédure spéciale du référé-étude d’impact (TA Versailles, 10 avril 2019, n°1901944 et 1901948).


C’est dans ce contexte que le Préfet du département avait illégalement délivré une autorisation de défrichement pour les bureaux, sans étude d’impact ni même saisine du Préfet de Région en sa qualité d’autorité environnementale.


Alors même que nous avions déférer cette autorisation à la censure du tribunal administratif, la Commune a profité du premier confinement pour faire réaliser en toute discrétion l’abattage, le débardage et le dessouchage de tous les arbres du terrain destiné à accueillir des bureaux.


La politique du fait accompli n’a pas pour autant fait échec à l’application de la règle de droit et nous avons tout de même obtenu l’annulation de l’autorisation préfectorale de défrichement pour vice de procédure (absence d’étude d’impact) en 2021 (TA Versailles, 29 mars 2021, n°2000403 ; annulation objet d’un appel de la Commune rejetée par la Cour administrative d’appel de Versailles : CAA Versailles, 5 septembre 2022, n°21VE01573).

 

Le rejet de la tierce-opposition : la dernière manœuvre de la Commune échoue


En 2021, la Commune de Galluis a tenté une nouvelle manœuvre : introduire une tierce-opposition contre le jugement du 29 mars 2021 qui avait annulé l’autorisation de défrichement.L’argument était simple : selon elle, les différents projets bien que voisins et simultanés devaient être considérés comme distincts, et non comme un seul programme de travaux.


Le tribunal administratif de Versailles a sèchement rejeté cette tentative.Dans son jugement du 21 janvier 2025 (n°2104489), le tribunal administratif a enfin définitivement (faute d’appel) censuré le fractionnement illégal puisqu’il confirme :


  • qu’il s’agit bien d’un projet unique,

  • que la Commune a cherché à masquer le défrichement illégal déjà réalisé,

  • que l’absence de consultation de l’autorité environnementale et d’étude d’impact entache irrémédiablement d’illégalité l’autorisation.

 

Un projet écologiquement destructeur


Le bois de Galluis concerné par le projet est situé au sein du Parc naturel régional de la Haute-Vallée de Chevreuse. Il joue un rôle essentiel comme corridor écologique pour la grande faune, et comporte des zones humides sensibles.


L’autorité environnementale mais aussi la DRIEE (Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie) avait souligné les enjeux paysagers et de biodiversité majeurs liés à ce site. Pourtant, la Commune avait poursuivi son projet de bétonisation, allant jusqu’à présenter comme « non boisées » des parcelles qui avaient en réalité été illégalement défrichées – une manipulation dénoncée par les associations et retenue par le tribunal.

 

Une victoire citoyenne et associative

Cette décision est le fruit de plusieurs années de lutte juridique et citoyenne. Les associations SLY, AGATE, JADE et FNE 78 se félicitent que la justice ait confirmé leurs arguments, après une longue série de contentieux et de recours.


Elle démontre que la mobilisation collective peut stopper des projets d’urbanisation destructrice, même lorsque des collectivités locales tentent de passer en force. C’est aussi une victoire juridique de principe : la justice rappelle qu’un projet ne peut pas être morcelé artificiellement pour échapper à l’étude d’impact, pilier du droit de l’environnement.

 

Et après ?


La politique du fait accompli et le recours à la méthode bulldozer ont permis la destruction de la forêt au mépris de toutes les règles de l’environnement, sans étude d’impact et sans stratégie sérieuse d’évitement, de réduction et de compensation des atteintes environnementales.


Restent aujourd’hui à obtenir du juge judiciaire une injonction de renaturation et reboisement et la réparation du préjudice écologique.


L’inertie du Parquet six ans après les faits nous contraindra à saisir directement le tribunal correctionnel par le biais de la procédure de citation directe.


Nul doute de notre point de vue que la justice montrera de nouveau que la loi peut stopper les projets destructeurs de nos terres et de nos forêts et les soumettre aux règles visant à protéger la nature et la biodiversité lorsque les associations et les citoyens se mobilisent.

 

Lien vers la décision :


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