Le projet de Vélodrome Arena à La Roche-sur-Foron, qui promettait de transformer cette commune de Haute-Savoie en pôle sportif et culturel majeur, a été officiellement abandonné à la suite de la décision du 7 février 2024 de l’autorité environnementale alertée par les associations NON AU VELODROME ARENA (NAVA) et France Nature Environnement (FNE 74) d’imposer une étude d’impact pour le projet et le vote décisif du conseil municipal le même jour refusant la cession des terrains nécessaires au projet. Ces décisions marquent la fin d'un projet controversé qui avait suscité l’opposition de nombreux citoyens, élus locaux et associations environnementales.
Annoncé en grande pompe pour les championnats du monde de cyclisme 2027, le Vélodrome Arena devait abriter une piste d’athlétisme, une salle multifonctionnelle de 8 000 places, et divers équipements sportifs. Le coût initial de 93 millions d’euros s’était toutefois envolé, dépassant les 150 millions d’euros, et ce budget faramineux est devenu l’un des premiers arguments contre ce projet, jugé « démesuré » par les opposants.
Martial Saddier, président du conseil départemental de Haute-Savoie et fervent défenseur du projet, voyait en cette infrastructure un levier pour diversifier l’économie locale, notamment face aux défis posés par le réchauffement climatique. Cependant, la mobilisation citoyenne, incarnée par l’association NON AU VELODROME ARENA (NAVA) et appuyée par France Nature Environnement (FNE 74), a mis en lumière les failles économiques, sociales et environnementales de ce projet. La présidente de Résilience Montagne, Valérie Paumier, a ainsi rappelé que "dans cinquante ans, on sera à +4°C dans les Alpes, qui peut prédire quelles seront alors les priorités des gens ?" Source Le Monde
L’avis de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAe)
La MRAe a joué un rôle déterminant dans la décision d’abandon du Vélodrome Arena. Son avis, rendu en 2024, soulevait de nombreuses préoccupations concernant les incidences environnementales du projet, et recommandait une évaluation environnementale approfondie pour comprendre les impacts potentiels sur l’environnement et la santé publique.
L’avis de la MRAe a mis en exergue plusieurs points majeurs, tels que :
Les solutions alternatives : L’étude devra détailler pourquoi d’autres localisations n’ont pas été envisagées à l’échelle nationale.
La mobilité : Il est essentiel d’analyser l’accès à l’Arena, y compris les transports en commun, les véhicules personnels, et les modes actifs, et de justifier le nombre de places de stationnement.
Pollution atmosphérique et nuisances sonores : Les études devront quantifier les émissions de gaz à effet de serre et les nuisances sonores générées par l’Arena et le parking silo, en particulier pour les résidents locaux.
Cette position critique de la MRAe a renforcé les arguments des opposants au projet, en soulignant les risques écologiques et sanitaires liés à cette infrastructure ambitieuse.
Les critiques juridiques des associations FNE et NAVA
L’avis sévère de la MRAe reprend à son compte une partie des arguments des associations, portés par Maîtres Sébastien Bécue et Marc Pitti-Ferrandi du cabinet TerraNostra Avocats. Dans une lettre adressée à la MRAe le 31 janvier 2024, nous avons souligné les lacunes du dossier soumis par le maître d’ouvrage, notamment en ce qui concerne l’insuffisance de l’évaluation environnementale.
Le projet de construction du Vélodrome Arena prévoyait en effet un complexe sportif et multifonctionnel de grande ampleur, avec une capacité de 8 000 spectateurs et des infrastructures annexes (parkings et équipements divers) représentant une emprise au sol de 44 200 m². Cette surface dépasse de loin les seuils fixés par la réglementation pour les projets soumis à évaluation environnementale, en particulier au titre des rubriques 39, 41 et 44 du Code de l’environnement, comme nous l'avons exposé dans notre lettre adressée à la MRAe le 31 janvier 2024.
Au titre de la rubrique n°39, sont soumis à examen au cas par cas les « travaux et constructions qui créent une surface de plancher au sens de l'article R. 111-22 du code de l'urbanisme ou une emprise au sol au sens de l'article R. *420-1 du même code supérieure ou égale à 10 000 m² ». Le Vélodrome Arena dépasse largement ce seuil, atteignant une emprise totale de 44 200 m², soit près de quatre fois la limite réglementaire.
Au titre de la rubrique n°41, concernant les aires de stationnement de plus de 50 unités, le projet prévoit 2 000 places de stationnement, ce qui excède quarante fois le seuil minimal pour un examen approfondi.
Au titre de la rubrique n°44, qui concerne les équipements sportifs et culturels de grande envergure, le projet d’une capacité de 8 000 spectateurs dépasse également les anciens seuils imposant une étude d’impact systématique pour des équipements capables d'accueillir plus de 5 000 personnes.
En outre, bien que le maître d’ouvrage ait tenté de présenter une étude volumineuse — avec un dossier dépassant les 750 pages, comportant notamment des analyses écologiques, des études de mobilité et de qualité de l’air — cette étude reste manifestement incomplète. Elle n'aborde pas de manière suffisante les conséquences environnementales majeures du projet, comme en témoignent les nombreux points laissés en suspens ou volontairement négligés.
Nous avons ainsi dénoncé avec les associations FNE 74 et NAVA l’approche biaisée du maître d’ouvrage, qui cherche à minimiser les impacts écologiques et sanitaires du projet. Les études, bien que techniquement longues, manquent de précision et d’éléments cruciaux pour une véritable évaluation de l’acceptabilité du projet. Par exemple :
Les états initiaux écologiques ne sont pas complets. Le maître d’ouvrage lui-même reconnaît que les inventaires de la faune et de la flore n’ont pas été réalisés aux périodes les plus propices, ce qui empêche toute conclusion définitive. Des inventaires supplémentaires sont d’ailleurs prévus courant 2024, mais ne permettent pas de garantir la suffisance des mesures ERC (éviter, réduire, compenser).
Le risque de saturation du trafic autour du site, notamment en raison des flux de visiteurs et des 2 000 places de stationnement, est majeur. Le carrefour giratoire à proximité est déjà saturé lors d'événements comme la foire annuelle. La proposition de mesures d’accompagnement (comme l’élargissement du giratoire) est loin de répondre aux enjeux, tant du point de vue de la faisabilité que du coût.
Les volumes de terrassements sont mal estimés. Les calculs de déblais et remblais apparaissent sous-estimés de 10 %, ce qui fausse l’évaluation des impacts liés aux transports de matériaux. En effet, le projet nécessiterait entre 10 880 et 15 412 trajets de camions pour évacuer ou transporter les matériaux, doublant ainsi les émissions de polluants atmosphériques.
L'absence de mention du site SEVESO seuil haut situé à 1,1 km du site est une omission grave qui compromet l’évaluation des risques industriels pour les populations locales.
Enfin, il nous paraissait manifeste que le maître d'ouvrage cherchait à contourner les obligations légales relatives à l’évaluation environnementale. Le dépôt d’un dossier aussi volumineux, bien que faussement présenté comme une simple demande d'examen au cas par cas, constitue en réalité une tentative déguisée de produire une étude d’impact tronquée, sans passer par le processus rigoureux exigé par le Code de l’environnement.
Selon l’article L. 122-1 du Code de l’environnement, une évaluation environnementale doit inclure non seulement une étude d’impact, mais aussi les avis des autorités compétentes, notamment celui de la MRAe, ainsi que ceux des collectivités locales concernées. En l’état, le projet ne répond pas à cette exigence et ne présente qu’une vision unilatérale, excluant toute analyse critique indépendante.
La procédure d’examen au cas par cas est inadaptée à un projet de cette ampleur, et la MRAe n'a pas les moyens, dans les 35 jours impartis, de procéder à une véritable analyse du dossier. Le choix délibéré du maître d'ouvrage de soumettre directement une étude d’impact, en évitant une évaluation environnementale approfondie, est une tentative de manipulation procédurale visant à accélérer le processus sans passer par les contrôles légaux nécessaires.
Mobilisation citoyenne et environnementale
Au-delà des critiques juridiques et techniques, la mobilisation des citoyens et associations a été décisive. Des manifestations organisées par NAVA ont rassemblé de nombreux habitants de La Roche-sur-Foron, opposés à ce projet jugé non seulement coûteux, mais aussi déconnecté des besoins réels du territoire.
L'abandon du Vélodrome Arena constitue une victoire pour les associations et les citoyens, mais il soulève aussi des questions sur l'avenir de l'aménagement du territoire en Haute-Savoie. Plusieurs alternatives, telles que l'utilisation du vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines, avaient été proposées par la députée Virginie Duby-Muller dès 2023. Ces solutions, plus durables et moins coûteuses, méritent d'être explorées dans le cadre des championnats du monde de cyclisme 2027.
En conclusion, l’échec du Vélodrome Arena met en lumière la nécessité de repenser les grands projets dans un cadre plus transparent, respectueux des enjeux climatiques et des besoins locaux. La Haute-Savoie doit désormais tourner la page de ce projet controversé et se concentrer sur des investissements plus durables, adaptés aux défis environnementaux et sociaux de demain.
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